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Le frémissement, nouvelles et histoires inhabituelles

C’est le titre du modeste ouvrage que je viens de publier — 98 pages seulement —, un recueil de nouvelles et de textes insolites et incongrus, poètiques parfois, pas toujours humoristiques non plus.

Plutôt que de m’étendre sur son contenu et ne pouvant être juge et partie, je préfère vous en présenter la 4ème page de couverture.

Le livre est référencé dans la base des données des principaux sites en lignes, y compris à la FNAC il sera donc possible à quiconque de le commander par internet.

Une autre possibilité, dès à présent, est de le commander directement chez l’éditeur, les Éditions de l’Adret, 21 avenue Pasteur – 69370- Saint-Didier-Au-Montd’Or (edadret@live.fr) en envoyant un chèque de 12 € libellé à l’ordre des éditions de l’Adret. Le livre vous sera adressé par retour du courrier sans frais de port.

Je réfléchis à une publication en ligne sur la toile.

Naturellement, si vous avez apprécié mes chroniques, je serais très heureux de partager avec vous le plaisir que j’ai eu à écrire ces quelques textes.

R.M.D. 4-couv.1298199877.jpg

Le groupe

LE GROUPE

Conférence  donnée un soir  pluvieux du mois de novembre pour l’Amicale des feux follets de Palavas-les-Flots (Hérault)

Monsieur le Préfet,

Monsieur le Maire,

Mesdames et Messieurs,

              

Mes chers  Amis,

 

L’homme est, comme chacun ne l’ignore pas, un animal plus ou moins raisonnable, doué d’une certaine intelligence et ayant comme caractéristiques essentielles, d’une part, la station verticale, ce qui lui permet de ne voir guère plus loin que son nez, et, d’autre part, la tendance naturelle et quasiment obligatoire de s’agglomérer en ensembles grégaires, bêtes et compacts appelés groupes.

Dès sa naissance, l’homme se trouve revendiqué par un groupe que l’on nomme famille. L’ensemble de plusieurs familles forme un milieu. Il y a plusieurs milieux dans une ville et l’ensemble de la population se groupe en pays formant nation. Les nations qui s’entendent bien, que ce soit par la culture, la confiture ou la force des choses, se retrouvent généralement dans un bloc qui fait face à un autre bloc formé lui-même d’une infinité de groupes ou sous-groupes. Bref! Groupes d’intérêts, groupes d’action, petits groupes, groupies, sous-groupes, groupes de travail, groupes sportifs, groupes enfin uscules, l’homme, force est pour nous de la constater, vit toujours en groupe.

Dans un premier temps, Mesdames et Messieurs, nous allons tenter de définir le groupe. Le groupe est un ensemble d’individus dont le nombre dépasse au moins deux, ayant un ou plusieurs pôles d’intérêt communs (pêche à la truite, haine des liliacées bulbeuses, passion des courses en montagne avec peaux de phoques sous les skis et cinquante kilos de matériel sur le dos…). A partir de là, se forme forcément une certaine hiérarchie avec un chef, des sous-chefs et des adjoints, une masse grouillante globalement toujours d’accord et les éternels derniers. On trouvera, en outre, au sein de cet agglomérat, quelques contestataires faisant preuve, à l’évidence, d’un mauvais esprit caractérisé, des ambitieux de la masse grouillante qui rêvent d’être chefs, des voleurs, des égoïstes, des petits saints, des fayots, des rapporte-paquet, des bossus, des fourbes, des timides, des Apollon, des chauves et aussi des femmes, si le groupe n’est pas réservé aux seuls hommes et lycée de Versailles. De toute façon, quels que soient les éléments qui le constituent, le groupe marche toujours d’un seul homme. A priori, on serait tenté de penser que tous ces braves gens s’unissent à cause de leurs points communs ou de leurs mêmes passions. En réalité, il n’en est rien. L’unique raison qui poussent les individus à se grouper est le goût d’être en groupe. On trouve bien vite un prétexte (adoration pour George Sand, professions communes…) et hop! le groupe est formé.

Le groupe a-t-il la possibilité de croître? La réponse, Mesdames et Messieurs, dépend évidemment des lois qui régissent l’association en question, certains groupes demeurant désespérément fermés à l’entrée de nouveaux membres en son sein. Cependant, la plupart du temps, le groupe accepte de nouveaux éléments dans la mesure où ceux-ci ne vont pas bouleverser la vie paisible du groupe et a fortiori s’ils sont susceptibles d’être rentables et bénéfiques à l’ensemble. Le nouveau membre sera tout d’abord observé de très près et regardé d’un fort mauvais oeil, puis, peu à peu, intégré au groupe, plus ou moins rapidement selon son coefficient de malléabilité (on admet selon la règle de Grex Gregis qu’un individu ayant un coefficient de malléabilité inférieur à 1,687 est un homme seul). Inversement, le groupe peut sans difficulté rejeter ou lâcher l’un des siens, que ce soit par la volonté de tous ou le désir d’un seul qui, noyautant aisément la masse grouillante par une propagande savamment orchestrée, ralliera celle-ci à son opinion.

Il existe, bien sûr, d’autres manières pour le groupe de s’agrandir ou de diminuer son importance: ce sont la fusion ou la scission. La fusion entre groupes est très facile. Il en résulte simplement un groupe un peu plus volumineux que les précédents avec souvent de nouvelles lois et de nouveaux rites que les masses grouillantes respectives acceptent avec la plus grande mollesse, dès lors que leurs chefs se sont bien mis d’accord. La fusion confère, bien entendu, à la nouvelle association une plus grande puissance et à chaque individu un rôle plus infime, alors que ce dernier, paradoxalement, a la certitude d’en représenter un élément plus important.

La scission représente une pratique de groupe fort pratiquée également. Elle peut être le fait de querelles internes dont le point de départ ne pourrait être que l’instinct ou d’ambitions de sous-chef emmenant avec lui une partie du troupeau ou encore de phénomènes géophysiques (groupe de touristes allemands séparé par une grande faille lors d’un tremblement de terre au Guatemala dans les années soixante-dix). Quoi qu’il en soit, ces phénomènes de scission donnent naissance à des petits groupes, moins puissants mais plus nombreux, la somme des individus représentant toujours le même nombre.

Les groupes se caractérisent tous, sans exception, par des lois et des rites qui se transforment bien vite en sales habitudes. Nous étudierons d’abord, si vous le voulez bien, Mesdames et Messieurs, les lois. Celles-ci sont généralement simples, dépourvues de toute complexité et faciles à respecter. Nous les énumérerons sans les grouper

– Obéissance tacite et passive aux mouvements de la masse.

– Reconnaissance arbitraire de l’autorité du chef afin que le vie de groupe soit possible.

– Solidarité aveugle, du moins en théorie, avec les autres membres du groupe et acceptation du prochain, dès lors qu’il appartient au même groupe.

– Imitation permanente du collègue de groupe, lequel doit, en retour, vous imiter fidèlement.

– Renoncement à toute créativité personnelle au profit d’une “création de groupe”, si médiocre soit-elle. Il est toutefois autorisé de faire preuve d’une peu d’originalité personnelle, mais pas trop, pour bien se faire voir du groupe, notamment d’un peu d’humour, afin de distraire la galerie. A noter que, si l’on est bien considéré en faisant rire le groupe, on est alors rapidement classé comme le “bouffon de service” et condamné à faire le pitre quoi qu’il advienne et quelle que soit sa mélancolie personnelle.

– Obligation de prendre l’esprit grégaire pour mieux se confondre dans la masse et autorisation de commettre en groupe ce que l’on n’oserait jamais faire tout seul: moqueries de mauvais goût, chansons grossières, hurlements dans la rue en plein milieu de la nuit, marche au pas de l’oie, coups, blessures, assassinats, tortures, guerres pas pour rire etc…

– Participation active à tout mouvement d’idolâtrie ou d’hystérie collective avec passage à l’acte, cela va de soi.

– Acceptation sans condition de l’opinion traditionnelle admise par le groupe, même si un semblant de discussion a été nécessaire pour laisser croire qu’on a de la personnalité.

Naturellement, les membres du groupe ne sont aucunement obligés de vivre en permanence en groupe. Toutefois, il est indispensable que tous leurs actes et toutes leurs pensées au cours de leur vie hors groupe  se fassent dans la seule perspective du groupe, qui reste le centre de leur pauvre vie, et surtout en ayant conscience de lui appartenir.

Il existe encore bien d’autres lois qu’il est inutile de citer ici, d’autant qu’elles sont pratiquement innées chez tout élément de groupe. Il en est de même des rites qui sont innombrables et dont le seul but est de donner une cohésion au groupe, une impression de solidité et, en même temps, un sens profond à son existence. Citons tout de même les réunions périodiques, les activités de loisirs, les prises de position sur tel ou tel sujet de l’actualité avec pétitions à l’appui, l’évocation  des souvenirs communs maintes et maintes fois remise sur le tapis, les funérailles de l’un des membres défunts avec fausse émotion, fausse tristesse mais vraies larmes et banquet bien arrosé à la sortie du cimetière, etc…

Une question brûlante est de savoir quel est, au fond, le rôle du chef dans un groupe. Hélas, il faut bien en convenir, ce rôle est malheureusement assez lamentable. Nous avons tendance à penser que celui-ci, n’échappant pas aux inébranlables exigences du groupe, obéit bien inconsciemment et aveuglément aux mouvements de la masse, ce qui nous fait pleinement adhérer à cette phrase de Baudelaire: “ Les dictateurs sont les domestiques du peuple, rien de plus – un foutu rôle, d’ailleurs – et la gloire est le résultat de l’adaptation d’un esprit à la sottise nationale  “.

A présent, Mesdames et Messieurs, tâchons de découvrir ce que le groupe apporte à l’homme. Nous évoquerons tous ces bienfaits, au fur et à mesure, dans le désordre chronologique, et en nous gardant bien de les grouper. La sécurité physique et morale est, sans conteste, un avantage non négligeable de la vie en groupe. Un groupe est évidemment plus fort physiquement qu’un individu isolé, ce que le Maréchal de La Palice n’aurait certainement pas démenti, surtout si l’on prend soin de charger un sous-groupe d’une activité de défense voire même d’offense. De la même manière, la sécurité morale, sensation d’être dans un cocon, est grande au sein d’un groupe puisque la conscience de lui appartenir suffit souvent aux membres pour qu’ils se croient utiles, importants et même puissants. D’ailleurs les différents rites sont là pour maintenir les membres du groupe dans cette douce illusion!

Un immense bienfait du groupe est représenté par l’inutilité de toute initiative personnelle. Les décisions fondamentales (façon de s’habiller, loisirs, moeurs) et accessoires (croyances, religion, opinion politique) sont prises en fait par le groupe, l’individu n’ayant pas besoin de penser trop longuement. Prenons un exemple banal: les voyages dans les pays les plus reculés avec semblant d’aventures, comme monter sur le dos d’un chameau dans le désert, sont d’une simplicité enfantine dès lors qu’ils sont organisés en groupe. L’économie d’énergie intellectuelle (ce mot est sans doute un peu fort) est non négligeable. Bien entendu ceci suppose un minimum d’abnégation de la part de chaque membre, abnégation purement théorique puisque les individus d’un groupe sont par définition passifs et se reposent sur le chef et ses acolytes.

Mais l’avantage de loin le plus intéressant que peut procurer le groupe, Mesdames et Messieurs, Monsieur le Préfet, Monsieur le Maire, mes chers Amis, est, sans nul doute, le bonheur, bonheur imbécile certes, mais bonheur quand même. En effet il est fort rare que les éléments d’un groupe soient malheureux, nous sommes forcé d’en convenir. L’angoisse de groupe n’existe guère, pas plus que la solitude de groupe. Si pour une raison ou pour une autre, un adhérent du groupe venait à ressentir un soupçon d’angoisse, bien vite il se réfugierait dans les bras du groupe dont les activités futiles suffiraient à l’en délivrer.

Il existe encore d’autres privilèges que la vie en groupe peut procurer: avantages financiers grâce aux cotisations, aux cagnottes et aux prix de groupe, impression d’être aimé, possibilité de parler fort et fièrement au nom du groupe, avancement dans la hiérarchie, ce qui peut prendre toute une vie tout en lui donnant pleinement son sens, j’en passe et des meilleures.

En fait les différents éléments d’un groupe s’aiment-ils? Eh bien malgré les apparences, nous répondrons: non! Le groupe, en effet, n’est qu’une symbiose entre la masse et l’individu d’une part, entre chacun des individus d’autre part. La vie qui en découle ne représente que la somme algébrique du même nombre d’égoïsmes qu’il y a de membres passifs, chacun d’entre eux essayant de tirer la couverture à soi. Pour preuve, nous pouvons imaginer une expérience toute simple et bien innocente: un groupe se trouve dans une pièce close, une salle de cinéma par exemple. Lançons une bombe au milieu de la salle. Le feu rapidement se déclenche, la panique survient, chacun se sauve comme il peut, piétinant son collègue de groupe pour gagner au plus vite la sortie de secours, la haine ayant rapidement pris la place de l’amour solidaire! Nous pouvons également choisir un autre exemple beaucoup plus cruel, cette fois: dans les cocktails, les convives se tueraient – avec politesse bien sûr! – s’ils le pouvaient, pour approcher le buffet, tout cela pour quelques malheureux canapés au fromage! Ainsi le mépris, voire la haine de l’autre, prêts à surgir, règnent au sein du groupe sous une forme camouflée appelée amour et dont le moteur principal est la lâcheté.

Quel est l’avenir du groupe? la plupart du temps, les groupes sont voués à la croissance, période de puissance, puis c’est l’apogée qui précède la chute. Le déclin du groupe est presque toujours dû à des conflits qui ont opposé plusieurs sous-groupes au sein d’un même groupe. Car le problème est là: la guerre est au groupe ce que la mort est à l’individu, c’est-à-dire inéluctable. La guerre entre deux groupes formés, chacun, d’autant de sous-groupes innocents et non concernés, aboutit très souvent à l’apparition de supergroupes qui vont peu à peu s’organiser à la désorganisation des groupes déjà existants.

Et quel est l’avenir du solitaire dans tout cela? Eh bien, il n’y en a pas non plus! Les groupes étant majoritaires sur notre pauvre planète, le solitaire subit hélas les mouvements des groupes. Si une guerre se déclenche, il n’y échappera pas non plus. Quant à la mort, elle le guette et ne le ratera pas, soyez-en sûrs!

En conclusion de cet exposé didactique et exhaustif, Mesdames et Messieurs, nous conseillons vivement à nos adhérents de ne jamais se grouper et de refuser non moins catégoriquement de ne pas appartenir à un groupe. Nous sommes certains qu’ils accepteront ce conseil avec la plus grande mollesse et qu’ils nous en sauront gré!

Enfin nous rappelons à nos fidèles adhérents que la prochaine Assemblée Générale aura lieu de 37 Janvier à 29 h 63. Merci d’avance pour votre présence.

 

Je vous remercie pour votre attention et vive la France!

R.M.D.

 

 

Vous avez dit antonomase ?

Une antonomase est une figure de style ou plus précisément un trope qui consiste à employer un nom propre pour un nom commun (diesel, Tartuffe, poubelle, par exemple), un nom commun ou une périphrase pour un nom propre (l’Île de Beauté pour la Corse, le Sauveur pour Jésus-Christ, tonton pour François Mitterrand) ou encore un nom propre pour un autre nom propre (Napoléon pour Nicolas Sarkozy).

Politiquement parlant, une des antonomases actuellement la plus tendance (avec la dernière citée entre parenthèses) est certainement le Grenelle (de…) dont on nous rebat les oreilles à satiété dès qu’il s’agit de réunir autour d’une table, pour une question d’importance nationale, des personnes aux opinions particulièrement tranchées et diamétralement opposées.

Car à côté -ou plutôt après- le Grenelle historique, le vrai, l’original dûment estampillé, qui correspond aux accords négociés et conclus pendant les événements de mai 1968 au siège du ministère du Travail situé dans les murs de l’Hôtel du Châtelet, rue de Grenelle à Paris, on trouve, réalisés, mort-nés ou vaguement en projet, un certain nombre de Canada Dry (tiens, une autre antonomase !) tels que le Grenelle de l’environnement, le Grenelle de l’insertion, le Grenelle de l’audiovisuel, le Grenelle de la santé sans oublier celui de la formation, rien que ça !

La première chose qui me dérange dans tous ces Grenelle de ceci ou de cela, c’est le genre. Oh non, pas le genre qu’un ministre se donne quand il décide de faire un nouveau Grenelle, croyant avoir inventé la poudre, ni le genre des différents participants, qu’ils soient en cols bleus, blancs ou roulés, encore moins le genre d’accord(s) que ces derniers devront douloureusement conclure dans un marathon (tiens, une autre antonomase !) des plus éprouvants. Non je veux parler du genre grammatical.

Pourquoi dit-on, en effet, LE Grenelle ? Puisqu’en 68 il s’agissait d’accords ou de négociations, n’eut-il pas été plus judicieux de dire LES Grenelle ? Sans doute ce pluriel manquait-il d’unité et faisait-il un peu désordre dans la « chienlit » soixante-huitarde, bref il sonnait mal aux oreilles pompidoliennes ou à celles de Jacques Chirac, lequel participa en personne à ces négociations multipartites, aussi fut-il décidé d’employer le singulier.

Mais alors pourquoi le masculin pour une négociation ou même à la rigueur la rue où se déroula la fameuse table ronde ? Il n’échappe à personne qu’on aurait dû dire LA Grenelle même si le mot sent quelque peu l’absinthe, la syphilis et la maison close. Car comment imaginer Dominique de Villepin proposer publiquement en 2001 de se faire la Grenelle de la formation, Martin Hirsch, avec son visage de séminariste, se réserver la Grenelle pour l’insertion et le premier ministre déclarer qu’il se ferait bien, pour la santé, une Grenelle en réunion dans un hôtel particulier parisien du 7ème arrondissement avec Roselyne Bachelot !

La deuxième chose qui me tracasse dans ces Grenelle en tout genre, c’est ce côté grand messe riche en symboles et fanfaronnades dont nous raffolons en France mais qui n’est pas forcément suivi de tous les effets escomptés : si les accords de mai 68, boudés par la base, ne furent jamais signés mais tacitement appliqués au moins pour le salaire minimum, le Grenelle de l’environnement, à entendre les écologistes, se serait passablement vidé de sa substance. Quant aux autres Grenelle, on en parle et on en cause mais, à ma connaissance, ils n’ont toujours pas vu le jour. De là à regretter qu’on n’ait pas organisé le Grenelle originel dans un bâtiment de la rue Eugène-Poubelle, il n’y a qu’un pas.

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Article publié dans les chroniques des abonnés du Monde.fr le 24 mars 2009

http://abonnes.lemonde.fr/opinions/chronique/2009/03/25/vous-avez-dit-antonomase_1172212_3232.html

Mort du rire

« Le rire est probablement destiné à disparaître. On ne voit pas bien pourquoi, entre tant d’espèces animales éteintes, le tic de l’une d’elles persisterait. Cette grossière preuve physique du sens qu’on a d’une certaine inharmonie dans le monde devra s’effacer devant le scepticisme complet, la science absolue, la pitié générale et le respect de toutes choses.
Rire, c’est se laisser surprendre par une négligence des lois : on croyait donc à l’ordre universel et à une magnifique hiérarchie de causes finales ? Et quand on aura attaché toutes les anomalies à un mécanisme cosmique, les hommes ne riront plus. On ne peut rire que des individus. Les idées générales n’affectent pas la glotte. »

Voilà ce qu’écrivit Marcel Schwob, en 1893 dans la préface de la pièce de Georges Courteline « Messieurs les Ronds-de-cuir ». Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il avait de l’avance puisque aujourd’hui nombreux sont ceux qui prévoient la mort du rire. Comme, par exemple, Guy Chouraqui pour lequel l’humour est mort, « mort de rire, mort des rires faciles ou factices, mort des rires consensuels ou préenregistrés, des rires vulgaires ou racistes. »

Voilà qui laisse songeur. Et vous qu’en pensez-vous ? Espérons seulement que, quand le rire sera mort, nous ne serons pas des morts-vivants déambulant sur une Terre sans humour, sans poésie et sans surprises mais de vrais cadavres, morts et enterrés.

Contribution à la lutte contre l’insécurité

dejections.1209668855.jpgLa place du Griffon, située au bas des pentes de la Croix-Rousse à Lyon à deux pas de l’Opéra, a fait peau neuve il y a trois ans. Les voitures en ont été alors chassées et la majeure partie de la petite place triangulaire a été revêtue de belles pierres taillées blanc ivoire, un arbre y a été planté et, depuis les travaux, un banc massif, fait de la même pierre que le sol, attend chaque jour le promeneur en quête de repos ou d’ombrage. La partie nord de la rue du Griffon ainsi que la très courte rue de Lorette n’ont pas été en reste et ont été également refaites, et, pour cette dernière, un pavement de dalles blanches a été magnifiquement réalisé.
La place du Griffon (avec ses rues attenantes) fit donc agréablement place nette. Ce fut incontestablement –et c’est toujours- une réussite. Mais voilà, les ouvriers et les pelles mécaniques eurent à peine quitté le chantier que la place fut déjà souillée par de multiples déjections animales qui, pour le coup, faisaient vraiment tache sur la belle pierre immaculée. Avant la rénovation de la chaussée, sur l’asphalte plus ou moins cabossé et plein de cicatrices, sans parler des voitures, on ne les voyait pas. Mais depuis la réfection de la place, on ne voit plus qu’elles.
Devant un tel spectacle, je me suis dit que les animaux responsables (à moins que ce ne soit leurs maîtres) auraient pu attendre un peu ne serait-ce que par respect pour le travail réalisé et ceux qui l’ont accompli; attendre un peu que la pierre noircisse sous les effets du soleil, de la pollution et des piétons avant de la salir davantage; attendre un peu pour ne pas rappeler trop vite aux passants que ces petits tas d’excréments déposés, par animal interposé, par d’autres passants bien sous tout rapport représentent une véritable catastrophe dans nos cités qui n’ont pourtant plus rien à voir avec le Paris du Moyen-Âge décrit dans “Le Parfum” de Patrick Susskind où les eaux usées et les déjections de toutes sortes étaient évacuées à même les rues.
Et surtout on se demande comment arriver à bout de cette calamité, que dis-je, de cette véritable verrue plantée dans le dos de la civilisation. Nos autorités municipales ont eu l’excellente idée, toute pédagogie ayant échoué, de verbaliser les maîtres fautifs (à moins que ce ne soit leurs chiens) à des tarifs défiant toute concurrence comme cela se passe déjà dans certains pays anglo-saxons. Le problème c’est que personne ou presque n’a jamais vu un contrôleur-verbalisateur et que, en revanche, tout le monde observe quotidiennement des propriétaires de chiens déféquant en toute impunité par l’intermédiaire de leur animal domestique dans les squares, sur les trottoirs, dans les espaces verts, sur les aires de jeu, devant l’entrée des immeubles, bref dans les moindres recoins de l’espace public. À croire qu’ils agissent de la même manière dans leur salon ou leur chambre à coucher. Sans doute la municipalité manque-t-elle de personnel, on ne peut pas tout avoir, des crèches et l’absence de merde sur le bitume, et puis de toute façon, on ne peut pas mettre un contrôleur-verbalisateur derrière chaque propriétaire de chien. Tout cela est vrai.
C’est pourquoi j’ai imaginé une solution proprement révolutionnaire puisque, au lieu que ce soit le contrôleur qui se mette en chasse du maître-déféquant, c’est le maître-déféquant qui va tout faire pour se faire prendre par le contrôleur. Oui, vous avez bien lu. La méthode, pour étonnante qu’elle paraisse, est pourtant enfantine: tout propiétaire de chien surpris en flagrant délit en train de ramasser soigneusement l’œuvre soufrée de son animal se verrait remettre, en guise de félicitation et d’encouragement, un billet de 10 ou 20 euros, sur-le-champ et, si j’ose dire, en main propre par un contrôleur-complimenteur.
Les avantages de cette méthode sont multiples. L’efficacité, premièrement: en reposant, non plus sur un minimum de savoir-vivre, mais sur les bas instincts du propriétaire de chien, à savoir sa cupidité, nul doute que ce dernier aura bien vite compris les avantages de ne plus souiller les lieux publics. Deuzio, le moindre coût: point besoin pour la municipalité, en effet, d’embaucher une pléthore de contrôleurs de même qu’il n’est pas nécessaire qu’il y ait un seul ticket gagnant dans un bureau de tabac pour faire acheter des jeux à gratter par les clients. Le seul espoir de gagner quelques euros suffirait à convaincre les maîtres les plus rétifs, y compris en l’absence de contrôleur-complimenteur dans les parages. Et il n’est pas certain que les dépenses engagées, ces dons en nature ajoutés aux coûts salariaux, soient supérieures à celles gaspillées en vain par les méthodes classiques, motocrottes et toutounettes confondues, qui finalement se sont révélées désespérément inefficaces. Tertio, une amélioration du climat social urbain: le propriétaire de chien ne serait plus considéré par le non-propriétaire de chien comme un ennemi, mais comme un bienfaiteur de l’humanité grâce à sa conduite exemplaire. Quant au contrôleur-complimenteur et au maître du chien, ils se rencontreraient avec grand plaisir et sans la moindre suspicion ni agressivité.
Que l’on ne se méprenne pas sur mes propos qui peuvent prêter à sourire. Cette proposition est très sérieuse et mérite d’être étudiée avec soin par des audits compétents afin de voir si elle tient, si j’ose dire, la route. Dans cette hypothèse, on pourra seulement regretter d’être obligé d’en arriver à de pareilles extrémités pour faire adopter par certains de nos concitoyens un comportement élémentaire qui relève du simple bon sens et du minimum d’hygiène, de respect et de considération vis-à-vis de leurs semblables.
Mais le plus intéressant, c’est, sans nul doute, que ce système pourrait s’étendre non seulement à tous les manques de civilité mais aussi aux délits ou crimes les plus divers, le dédommagement étant proportionnel à la gravité de ces derniers. Ainsi le braqueur qui s’abstient d’attaquer une banque pourrait recevoir de la collectivité une récompense conséquente et je ne parle pas de l’assassin arrêté dans son élan meurtrier par l’espoir d’encaisser un véritable pactole.
J’engage donc nos élites politiques, à commencer par le Président de la République, à réfléchir sur cette idée qui entraînerait, si elle était appliquée, une véritable rupture dans la politique sécuritaire du gouvernement et qui semble bien être le seul remède universel pour faire disparaître la merde de nos trottoirs et, par la même occasion, vider les prisons et faire reculer l’insécurité dans notre pays, tout en augmentant le pouvoir d’achat d’un certain nombre de nos concitoyens.

Blague

Voici une petite blague que j’ai entendue il y a très longtemps et que j’ai actualisée.

Nicolas Sarkozy et Carla Bruni sont accueillis au Tchad par le président Idriss Déby Itno et déambulent dans la plus grande rue de Ndjamena devant une foule en délire qui n’arrête pas de hurler sur leur passage :  » Gouikra ! Gouikra ! Gouikra ! ».
Nicolas Sarkozy se tourne vers sa femme, la bouche en cœur et l’air béat, et lui murmure en jubilant : « Ah ! Tu as vu combien ils nous aiment ! Oh mon Dieu comme c’est bon d’être aimé comme ça ! ».
Et la foule de continuer à crier à la vue du Président et de Carla :  » Gouikra ! Gouikra ! Gouikra ! ».
À ce moment, Idris Déby tire précipitamment Nicolas Sarkozy par la manche tout en regardant par terre et lui dit : « Attention, monsieur le Président, vous allez marcher dans la gouikra ! »

Théâtre privé

Les Français sont-ils moins gais que jadis et rient-ils moins qu’à l’époque de Napoléon III ? C’est ce que pense Henry Gidel,vaudeville.1206818026.jpg grand spécialiste du théâtre comique et auteur de nombreux ouvrages sur Eugène Labiche, Georges Feydeau, Sacha Guitry et le théâtre pour rire. Selon lui, à cette époque les Français étaient sans nul doute le peuple le plus drôle et le plus gai d’Europe. C’était l’heure de gloire du vaudeville et des théâtres de boulevard, ces petits théâtres d’abord construits seulement en bois et établis sur les anciennes fortifications de Paris converties en promenades. Dans ces théâtres, on jouait de nombreux vaudevilles, souvent plusieurs courtes pièces en un acte qui se succédaient dans une même soirée jusque tard dans la nuit, la rotation des pièces étaient rapides ne serait-ce que parce que le public en était infiniment plus restreint qu’aujourd’hui et les auteurs de vaudeville légion : on comptait vers 1845-1850 près de 163 vaudevillistes.
Mais au fait quelle est l’origine du mot vaudeville ? Certains situent son origine au 15ème siècle et attribuent sa paternité à un foulon normand, Olivier Basselin, qui fut le premier à fabriquer des chansons nouvelles sur des airs anciens et qui habitait Vau-de-Vire devenu avec le temps voix de ville puis vaudeville. Pour d’autres, il s’agirait d’un composé des deux radicaux verbaux vauder (aller) et virer (tourner). Quoi qu’il en soit, les premiers vaudevilles étaient chantés avant de devenir avec Eugène Scribe de véritables pièces de théâtres bien ficelées et des comédies de mœurs satiriques puis avec Eugène Labiche des pièces pleines de fantaisie avec un grand sens de la formule drôle et de la vie des personnages enfin avec Georges Feydeau des comédies de situation où le quiproquo est roi. Par la suite le théâtre de vaudeville, concurrencé par l’opérette, se démode. Le vaudeville et le théâtre de boulevard furent mésestimés et méprisés, tout comme de nos jours, par le théâtre dit « sérieux ». Et pourtant ce n’est pas à la Comédie Française que furent d’abord joués Eugène Ionesco et Samuel Beckett. La Cantarice chauve fut créée en 1950 au théâtre des Noctambules et est jouée sans interruption depuis 1957 au théâtre de la Huchette. Beckett fit jouer la première fois En attendant Godot en 1953 au théâtre de Babylone.