Petites annonces

Inspiré par Pierre Dac et ses fameuses petites annonces (Dame cherche nourrice aveugle pour enfant qui braille; Monsieur à qui on ne la fait pas cherche dame à qui on ne l’a pas fait; Professeur bègue donne répétitions etc.), je me suis amusé à commettre à mon tour quelques petites annonces dont je vous donne la primeur :

Dur à cuire ayant du chien cherche mou à cuire pour son chat.

Jeune femme ayant du vice cherche écrou facile à serrer pour ne pas perdre
sa petite vertu. Sérieux s’abstenir.

Vieillard bien sous tout rapport vend à vieille maquerelle immeuble de rapports ayant déjà beaucoup servi.

Aveugle noir échange vue imprenable contre canne blanche de préférence avec un sourd blanc comme un linge.

Prêtre défroqué cherche pantalon à louer. Ecclésiastiques s’abstenir.

Avocat marron cherche député vert avec femme de couleur pour se mélanger les pinceaux.

Urgent. Viticulteur ayant mis de l’eau dans son vin cherche bon syndic de faillite.

Turc s’étant fait voir chez les Grecs achète wc grecs ayant servi chez les Turcs.

Veste à carreaux cherche myope pour lui donner une bonne correction.

Drôles d’automobiles

Voici trois voitures qui ont retenu mon attention aujourd’hui au salon de l’auto de Genève par leur relatif anachronisme. Les deux premières car elles me semblent sortir tout droit d’un album de Tintin, l’Île noire par exemple. Quant à la troisième, son design futuriste (et pas forcément esthétique) fait penser à un véhicule extraterrestre qu’on imaginerait bien rouler sur le sol rocheux de la Lune ou de la planète Mars dans une BD de science-fiction.

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Page blanche

André Gide écrit dans son Journal que, lorsque l’inspiration lui fait défaut, il prend plus ou moins au hasard un livre de sa bibliothèque et l’ouvre ensuite également au hasard. « Ce hasard me ferait croire au diable ou à la providence, précise-t-il, car je tombe à pic, presque à coup sûr, sur la page, sur la phrase, ou les mots, dont j’ai précisément besoin pour rebondir. »
Quant à Paul Valéry, il note dans ses Cahiers : « Devant trop souvent écrire des choses dont je n’ai nullement envie et l’esprit inerte devant elles, je m’avise de me donner les lettres initiales des phrases successives à faire – comme pour un acrostiche… » Et il ajoute : « Et cela ferait scandale si je le disais. »
De là à jouer aux dés pour trouver la première phrase de son roman à coucher sur la page blanche… Imaginons, par exemple, un écrivain fébrile éprouvant le vertige de cette fameuse page blanche (ou de l’écran d’ordinateur vide). Désespéré, il jette une paire de dés huit fois de suite avec comme résultat : 9, 2, 2, 4, 6, 2, 5 et à nouveau 5. À partir de ces chiffres, il compose une phrase dont les mots comportent respectivement autant de lettres que le nombre de points successivement obtenus grâce à la chance. Et cela donne par exemple: « Longtemps, je me suis couché de bonne heure. », une phrase plutôt banale qui pourrait bien commencer n’importe quel roman, à commencer par l’œuvre en sept tomes de Marcel Proust À la recherche du temps perdu. Et pourquoi Albert Camus n’aurait-il pas, de la même manière, joué aux dés les premiers mots de L’Étranger en obtenant 10, 5, 3, et 5, ce qui aurait donné la phrase « Aujourd’hui, maman est morte. » ? Ce serait trop drôle si mes suppositions correspondaient à la réalité, tant comporte un bon fond de vérité cette citation attribuée à Louis Pasteur : « Le hasard ne profite qu’aux esprits préparés. »

Fatrasie

Non ce n’est pas une île lointaine d’Océanie peuplée de gens bizarres et pourtant c’est bien de bizarreries qu’il s’agit. D’ailleurs, s’il fallait la situer géographiquement ce serait plutôt à Arras qu’il faudrait penser. Imaginez un poème, plus exactement un onzain assez particulier n’ayant ni queue ni tête traduisant une pensée incohérente dans un langage qui ne l’est pas moins, avec parfois un contenu caché satirique et pamphlétaire, vous obtenez par exemple :

Je vis toute la mer
S’assembler sur terre
Pour faire un tournoi
Et des pois à piler
Sur un chat montés
Firent notre roi.
La-dessus vint je ne sais quoi
Qui prit Calais et Saint-Omer
Et les mit à la broche,
Les faisant reculer
Sur le mont Saint-Éloi.

Et ainsi de suite. Non ce n’est pas de l’écriture automatique ni de la pataphysique, encore moins de l’Oulipo. Enfin un peu de l’Oulipo toutefois, mais de l’Oulipo par anticipation selon les règles de ce dernier puisque cet extrait est d’un certain poète médiéval, Philippe de Beaumanoir (1250-1296), qui excella dans ce que l’on appelle la fatrasie, genre littéraire complexe donnant dans le non-sens à tout va à travers une expérimentation du langage digne d’André Breton.
Mais au fait, pourquoi Arras ? Tout simplement parce qu’une école arrageoise s’illustra dans cette fantaisie littéraire comme en témoigne un recueil d’auteur inconnu, Les Fatrasies d’Arras, conservé à la bibliothèque de l’Arsenal.

Sophisme

Le slogan de mai 68 Il est interdit d’interdire ne manque pas de sel. Car, si on le prend au mot, c’est déjà une interdiction et il signifie donc qu’interdire n’est pas interdit puisque précisément c’est interdit d’interdire ce qui revient à dire : Il est interdit d’interdire d’interdire puisqu’il est interdit d’interdire. Et ainsi de suite, avec le même raisonnement Il est interdit d’interdire d’interdire puis Il est interdit d’interdire d’interdire d’interdire puis Il est interdit d’interdire d’interdire d’interdire d’interdire etc. Peut-être aurait-il fallu dire : Il n’est pas autorisé d’interdire si on veut bien admettre que ce qui n’est pas autorisé est interdit alors que tant de choses non autorisées ne sont pas interdites puisqu’on les tolère. À moins que la meilleure solution n’eût été tout bêtement de supprimer le mot interdire du dictionnaire… Mais je m’interdis cette idée qui me laisse interdit.

Conseil de lecture (aux cabinets ?)

cabinets.1199995688.jpgLire ou ne pas lire aux cabinets, telle est la question métaphysique soulevée par Henry Miller (1891-1980) dans un petit opuscule de 60 pages publié en 2007 aux éditions Allia, lequel correspond lui-même au treizième chapitre (Reading in the Toilet) d’un livre que l’écrivain américain publia en 1952 aux États-Unis et qui fut traduit cinq ans plus tard en France, The books of my life. L’argument fondamental de ce chapitre est que, si les gens lisent des revues, des romans, des journaux, des bandes dessinées ou tout ce qui leur passe par la tête la plupart du temps sans discernement, lorsqu’ils sont assis sur le trône, c’est parce qu’ils ont peur de se trouver face à eux-mêmes c’est-à-dire en face d’un vide qui leur est insupportable, et pour fuir aussi bien le désœuvrement que les questions essentielles, préférant se perdre à faire plusieurs choses à la fois comme ils le font en permanence dans le reste de leur vie. Selon l’auteur, « Le fait que vous lisiez tel genre de littérature aux cabinets et tel autre ailleurs devrait être lourd de sens pour le psychiatre. Le fait même que vous ne lisiez pas aux cabinets devrait être lourd de sens pour lui. » Et il ajoute plus loin : « On estime que ce que chacun fait aux cabinets ne regarde que lui. Il n’en est rien. Cela concerne l’univers tout entier. ». Ce manque de philosophie et de sagesse si répandu qui pousse à lire quand on vidange ses intestins et que condamne avec humour et pertinence l’auteur du Tropique du cancer, est bien mis à mal quand il nous explique tous les stratagèmes qu’un mari peut utiliser pour déloger son épouse qui s’éternise aux toilettes à cause de la lecture ou comment la dissuader de recommencer en mettant bien en évidence au water-closet un exemplaire de la Catherine de Médicis de Balzac, dont l’époux aura pris soin de souligner un extrait particulièrement ennuyeux. Lire aux cabinets, en revanche ne l’est pas du tout, il se lit d’un trait et on a l’impression d’entendre la voix d’Henry Milller nous prenant à partie avec bonhomie dans un monologue vif, délicieux, parfois même délirant ou onirique pour nous remettre sur les chemins de la sérénité.

Banané 2008 !

Selon que l’on se trouve à Rangoon, en Biélorussie, ou à Berlin, on souhaitera la bonne année en disant respectivement Hnit thit ku mingalar pa, З новым годам (Z novym hodam) ou Frohes neues Jahr. En chinois (ou dans l’un de ses dialectes, je ne sais lequel), il paraît qu’on dit : 新年好 (Xīn nián hǎo).
Parmi toutes les expressions de vœux de nouvel an selon les pays, j’ai retenu celle du créole mauricien qui se dit avec l’accent : Banané ! Non pas que ce mot soit surprenant pour le Francophone que je suis ni qu’il m’ait fait rire mais tout simplement parce que, l’employant depuis ce matin zéro heure pétante, tout le monde en France non seulement me comprend mais en plus me remercie sans qu’on ait remarqué que je l’ai prononcé dans la langue parlée à Port Louis. Essayez ! Vous verrez. Reste à savoir, au cas où je prononce ce même mot le 14 juillet, si mes interlocuteurs ne vont pas croire que je les ai traités de couillonnés ou plus vulgairement de couillons !

Banané 2008 à toutes et à tous !

Duo comique

Dans Le Miroir des idées, Michel Tournier nous apprend comment apparut l’Auguste, clown rouge et inséparable compère au cirque du clown blanc. Ce dernier, au début, était seul à amuser la galerie du petit cirque de village qui sillonnait les campagnes. Poudré à frimas, élégant, habillé de soie, un sourcil relevé et dédaigneux, affublé d’un chapeau conique, chaussé de fins escarpins vernis et le mollet galbé sous des bas blancs immaculés, le clown blanc choisissait dans les gradins le plus rougeaud, le plus rustre et le plus lourdaud des spectateurs pour faire crouler le public de rire à ses dépens et le tourner en ridicule. C’est ainsi que naquit ce fameux duo comique, de l’Auguste au gros nez rouge, maladroit, grotesque, mal fagoté dans ses vêtements trop larges et ses souliers interminables, et du clown blanc, l’homme raffiné, sérieux, rationnel, ironique, maniant le langage au deuxième degré. Car tout oppose ces deux clowns, l’un, le blanc, faisant rire le public sur le dos parfois bossu de l’Auguste mais qui « reste intact, hors d’atteinte, le rire qu’il déchaîne ne l’éclabousse pas, c’est une douche destinée au rouge qui est là pour encaisser… Rien n’est trop distingué pour le blanc… Rien n’est trop burlesque pour le rouge ». Partant de l’idée qu’on peut retrouver ces deux personnages dans la vie, Michel Tournier nous parle des clowns qui nous gouvernent ou plutôt qui nous ont gouvernés, classant parmi les clowns rouges, outre Napoléon et Mussollini, De Gaulle, Georges Marchais, Jacques Chirac et Raymond Barre, et parmi les clowns blancs Talleyrand, François Mitterrand, Valery Giscard d’Estaing et Edouard Balladur. À ces derniers j’ajouterais volontiers, malgré son teint jaunasse, Dominique de Villepin. Avouez qu’on l’imagine bien avec son chapeau en cône, les bas blancs et tout et tout ! Quant à notre président actuel dont l’écrivain évidemment ne parle pas puisque Nicolas Sarkozy était encore très loin de la magistrature suprême lorsque fut publié en 1994 Le Miroir des idées, je vous laisse le soin de le classer dans l’une des deux catégories, celle des clowns blancs ou celle des clowns rouges, mais, en ce qui me concerne, c’est dans la seconde que je le mets sans hésitation et, par-dessus le marché, parmi les plus talentueux des clowns rouges avec, comme compère, évidemment, le non moins talentueux clown blanc au nom de François Fillon.

Le temps présent de Max Planck

planck.1193949659.jpgScience et Vie, dans le numéro de ce mois, répond à la question pertinente d’un de ses lecteur varois, Monsieur Fernand Morel, : « Quelle est la durée du temps présent ? ».
Nous apprenons ainsi que, selon les théories actuelles, le plus court intervalle temporel concevable est le « temps de Planck » ou tplanck qui dure, tenez-vous bien, 5,4 x 10-44 secondes ! Ainsi en dessous de cet atome théorique de temps, il est impossible de concevoir une expérience ou un événement quels qu’ils soient, ce qui revient à dire au fond qu’en dessous de cet intervalle, tu meurs !
Dans ces conditions, je me demande s’il est encore possible de profiter du temps présent. Car le seul fait d’émettre, même le plus rapidement possible, l’idée de penser au présent doit bien laisser filer une quantité non négligeable de « temps de Planck » séparant l’idée de la pensée puis la pensée de l’instant où l’on espère jouir de ce précieux et ô combien éphémère temps présent. Pour le dire autrement, il est toujours trop tard à l’arrivée si bien qu’on est sûr de se retrouver dans le passé car le présent nous a claqué entre les doigts à la vitesse de l’éclair au moment où nous voulions en profiter.
Pour goûter le temps présent, il ne nous reste guère qu’une solution : anticiper c’est-à-dire penser au futur immédiat avec un tas de « temps de Planck » d’avance. De cette manière, le temps que notre pensée aboutisse, nous avons quelques chances d’arriver à l’heure du temps présent mais seulement, cela va de soi, pour un temps (de Planck) infiniment limité et par conséquent en quantité d’autant plus négligeable.
Toute cette argumentation pour dire que, si jouir du temps présent est, selon les théories actuelles, une utopie, la triste réalité de Max Planck, en revanche, devrait nous convaincre avec éclat que l’avenir est vraiment derrière nous !